Suite au lancement du projet, nous avons rapidement établi des critères, afin de correctement sélectionner la classe et le modèle de navire que nous souhaitions restituer.
Dans un premier temps, notre décision fut dictée par des besoins techniques. En effet, nous souhaitions construire un navire adapté à la navigation hauturière, avec un tonnage suffisant pour emmener au moins 15 personnes avec leur équipement et d’une longueur inférieure à 18m afin de faciliter la gestion future de l’embarcation. En outre, le bateau devait être suffisamment bien conservé pour permettre d’établir des plans précis et disposer d’une bibliographie facilement accessible. Enfin, le navire devait pouvoir illustrer la traversée de Guillaume le Conquérant en 1066 lors de la conquête de l’Angleterre. Le modèle devait alors correspondre chronologiquement et structurellement aux embarcations décrites dans les différentes sources liées à cette thématique.
Après cette thésaurisation, seuls trois navires correspondaient à nos critères
Le Skudelev I – Embarcation de type Knörr
(bateau de charge)
- Datation: env. 1030
- Lieu de construction: Norvège occidentale
- Conservation: env. 60 %
- Matériaux: pin, chêne, tilleul
- Longueur: 15,84 mètres
- Largeur: 4,8 mètres
- Tirant d’eau: 1 mètre
- Déplacement: 20 tonnes
- Nombre d’avirons: 2-4
- Equipage: 6-8 hommes
- Surface de voile: env. 90 m2
- Vitesse moyenne: env. 5 noeuds
- Vitesse de pointe: env. 13 noeuds
- Source vikingeskibsmuseet.dk
Le Skudelev 3 – Embarcation de type Byrding
(bateau côtier)
- Datation: env. 1040
- Lieu de construction: Danemark
- Conservation: env. 75 %
- Matériaux: chêne
- Longueur: 14 mètres
- Largeur: 3,3 mètres
- Tirant d’eau: 0,9 mètre
- Déplacement: 9,6 tonnes
- Capacité de charge: 4,6 tonnes
- Nombre d’avirons : 5 toletières
- Equipage: 5-8 hommes
- Surface de voile: 45 m2
- Vitesse moyenne: env. 4-5 noeuds
- Vitesse de pointe: env. 8-10 noeuds
- Source vikingeskibsmuseet.dk
Le Skudelev V – Embarcation de type Snekkar
(bateau de guerre)
- Datation: env. 1030
- Lieu de construction: Danemark
- Conservation: 50 %
- Matériaux: chêne, pin, frêne, aulne
- Longueur: 17,3 mètres
- Largeur: 2,5 mètres
- Tirant d’eau: 0,6 mètre
- Déplacement: 7,8 tonnes
- Nombre d’avirons: 26
- Equipage: env. 30 hommes
- Surface de voile: 46 m2
- Vitesse moyenne: 6-7 noeuds
- Vitesse de pointe: env. 15 noeuds
- Source vikingeskibsmuseet.dk
Ces trois épaves danoises datées par dendrochronologie du XIe siècle, furent découvertes en 1962 dans le fjord de Roskilde (Danemark). L’état de conservation remarquable et la très large bibliographie permettaient alors de correctement cerner les éléments techniques afin de réaliser une restitution cohérente de l’ensemble.
Après discussion avec les différents acteurs du projet, nous avons opté pour le Skuldelev 5. Les analyses réalisées sur le bois démontrent qu’il fut construit en 1024 au Danemark, puis coulé à la fin du XIe siècle. De plus, le Skuldelev 5 est structurellement similaire aux autres bateaux à clins du Haut moyen-âge, il nous permettra donc de couvrir la très vaste période s’étalant entre les grands raids Vikings et la Conquête de l’Angleterre en 1066.
Caractéristiques générales :
- Longueur : 17,30m
- Largeur : 2,47m
- Tirant d’eau (en charge) : 0,6m
- Poids : 7,8 T (équipage, armement et lest compris)
- Nombre d’avirons : 26
- Équipage : 30 hommes
- Voile : 46m²
- Datation : 1024
Pourquoi construire un bateau ?
Aspect scientifique :
Nous souhaitons que notre projet devienne un outil de recherche en archéologie maritime. Pour cela, nous avons établi différents protocoles expérimentaux afin de tester notre embarcation. L’idée étant non seulement de construire un bateau, mais aussi de créer un chantier expérimental, permettant de tester et éprouver les théories émises sur le sujet.
Bien que les techniques de construction d’un langskip soient maintenant parfaitement connues, en particulier grâce à l’impressionnant travail du Vikingeskibsmuseet i Roskilde (Danemark), les données liées à l’évolution structurelle de cette classe de navire sur le long terme restent lacunaires. Nous souhaitons tester le bateau, en étudiant son comportement face à différentes situations en mer, mais aussi sur les déformations liées à son vieillissement. Des aspects plus théoriques telles que la résistance de la peinture aux pigments sur les bordés face à l’eau de mer ou la compréhension des outils de navigation utilisés par les marins au X-XIe siècle, seront aussi étudiés.
Aspect pédagogique :
Nous souhaitons que le chantier soit une école à ciel ouvert, afin de permettre aux jeunes générations de se former aux techniques de construction traditionnelles, mais aussi de mieux connaître le monde maritime et sa diversité. L’océan ayant toujours été omniprésent dans la culture normande, nous estimons qu’il est primordial de préserver en Normandie cet héritage pluriséculaire.
Pour ce faire, nous organiserons tout au long du projet, des ateliers pédagogiques afin de transmettre nos connaissances aux plus jeunes. Différents intervenants proposeront des conférences adaptées à l’auditorat sur des thématiques larges (Histoire de l’Europe médiévale, construction navale, langue, etc.). Nous souhaitons également créer des ateliers ludiques par tranche d’âge, afin d’enseigner les rudiments de la menuiserie, de la forge ou de la corderie par exemple.
Ces différentes activités donneront la possibilité à des néophytes de s’initier à moindres frais, aux aspects techniques liés à la construction et à l’armement d’un bateau, mais aussi plus largement aux biotopes marins et à l’écologie.
Construire un bateau et après ?
Au vu des dimensions du navire que nous restituons actuellement, nous devons dès à présent penser à « l’après-construction ». Nous avons fixé l’échéance du projet en 2016, afin de participer aux commémorations du 950e anniversaire de la bataille d’Hastings (Angleterre). En guise de tournée inaugurale, nous souhaitons refaire le parcours de Guillaume le Conquérant jusqu’en Angleterre et traverser la Manche entre Saint-Valery-Sur-Somme (Picardie) et Pevensey (Sussex).
Outre ce projet qui nous tient à cœur, la fin de la construction du bateau enclenchera la seconde partie de notre projet. Nous tâcherons de faire profiter au plus grand nombre le navire en embarquant des passagers et en les initiant au monde la mer. Nous comptons également organiser des activités autour du bateau d’une journée ou plus et à terme réaliser des sorties en mer de plusieurs jours le long du littoral français.
Pour ce faire, nous souhaitons former 7 équipiers permanents afin de disposer d’un équipage capable de manœuvrer le bateau dans les meilleures conditions. La construction d’un faering (embarcation légère, gréée ou non, à deux bancs de nage) est également prévue, afin de disposer d’une embarcation légère et manœuvrable, permettant de faciliter l’apprentissage de la gestion d’une voile carrée.